Je n’aime vraiment pas aller faire les courses. C’est pour cela que je préfère y aller peu, mais acheter beaucoup de choses d’un coup. Manque de chance pour moi, on m’a demandé d’aller acheter quelques broutilles, et n’ayant pas de voiture à disposition, je dois en plus faire le chemin à pied. Me voilà sur le chemin du retour, avec des courses dans mon sac à dos, ainsi que dans un petit sac que je porte de la main gauche, la droite étant dans la poche de mon jeans. On va dire que l’avantage de faire cette corvée à pieds est que cela me donne l’occasion de voir un peu la ville, je ne suis arrivé qu’il y a peu de temps après tout et je n’ai pas encore mes marques.
D’ailleurs … Je suis complètement paumé, non ? J’étais pourtant sûr et certain d’avoir suivi le même chemin que la dernière fois en sortant du magasin ! Aaah, le sens de l’orientation et moi … C’est dans ces moments-là que je suis heureux d’être né dans une époque où il y a internet et les GPS. N’ayant aucune idée de comment rentrer chez moi, je sors mon téléphone afin de chercher l’itinéraire vers mon humble demeure.

« Hein ? »

Je remarque que d’après mon application, il me fait environ vingt minutes à pieds pour rentrer. Je n’ai mis qu’entre dix et quinze minutes pour arriver au magasin. Je me suis vraiment éloigné de mon chemin en route … Bon, et bien let’s go. Je ne sais pas si cela vient de ma taille ou si j’ai naturellement une cadence rapide, mais je parcours toujours mon chemin en moins de temps qu’indiqué, cela ne devrait pas me prendre trop de temps pour rentrer. Si je passe par cette petite rue, j’ai l’impression que je pourrai même gagner un peu de …
En tournant dans une ruelle, mon regard est rapidement attiré vers ma droite alors que je vois une chose sombre bouger. J’aperçois une ombre dans le reflet d’une fenêtre qui essaie de m’attaquer. Il semblerait que ce soit une ombre basique, sans caractéristique particulière, juste une masse sombre humanoïde qui ouvre grand sa bouche pleine de dents semblables à des aiguilles pour m’arracher la tête.

« Mauvaise cible, mon gars. »

Tout en regardant le reflet dans la fenêtre, je serre mon poing droit, fais traîner mon pied droit vers l’arrière, je fléchis les genoux et commence à me mettre en position pour contre-attaquer la créature avec un uppercut. Alors que je commence à amorcer mon attaque, je sens une vibration parcourir mon corps, puis je vois le monde changer légèrement autour de moi comme si une bulle s’étendait depuis mon corps qui disparaît en même temps de mon monde d’origine. L’ombre qui était dans le reflet est à présent face à moi, son niveau d’intelligence ne lui permet visiblement pas de remarquer qu’il n’a plus devant lui une apparition reflétée dans le monde miroir, mais un être capable de riposter.
Maintenant que j’ai franchi la barrière entre les mondes, je termine le mouvement de mon uppercut qui atteint comme je l’espérer le menton du monstre qui n’imaginait pas que son casse-croûte ne se laisserait pas faire. L’ombre ferme la bouche de force à cause du coup de poing et est envoyé quelques mètres en arrière, dos au sol. Il ne reste pas allongé bien longtemps, puisque tel un vampire ou une créature de film d’horreur, il pose le plat de ses pieds au sol, puis se remet debout sans même passer par la position assise avant de se ruer vers moi, la bouche grande ouverte et les bras écartés. Une vision impressionnante qui ferait trembler n’importe quel néophyte, mais pour ma part je suis un habitué du monde miroir, et puisque je sais que ce genre d’ombre ne peut rien contre moi je me prépare calmement à lui régler son compte, sans avoir le moindre doute en tête.
Une fumée blanche sort de mon corps pour se rassembler juste au-dessus de moi, en un orbe qui cette fois semble liquide, une eau blanche légèrement lumineuse dont le courant tourne lentement en formant une sphère parfaite. Alors que la créature s’approche et tend ses deux bras en avant comme si elle voulait d’abord me saisir avant de me dévorer, la sphère perd sa forme alors qu’elle bouge rapidement dans un arc de cercle et devient une cascade qui forme un mur entre moi et le monstre qui plonge ses bras à l’intérieur. Ses bras semblent se faire déchiqueter par la cascade qui finit bien rapidement par disparaître, le liquide étant en quantité limitée et à présent dispersée au sol. L’ombre qui a perdu ses bras a tout de même le réflexe de faire un bond en arrière au lieu de continuer sa course.

« C’est sympa de me laisser une seconde, ou j’aurais dû te tuer gratuitement … »

Je mets pendant un instant le sac plastique que je tenais de la main gauche dans mon autre main afin d’attraper un collier dans ma poche que je mets autour de mon cou. Il s’agit du collier qui m’a été offert par l’organisation Aegis qui me permettra de filmer la mise à mort de l’ombre et donc de toucher une récompense pour cet acte. Je tiens de nouveau le sac dans ma main gauche, puis tends la droite droit devant moi en visant le monstre avec. Le liquide étalé au sol bondit du sol comme s’il était vivant et se rassemble en une sorte de rayon, ou de pilier d’eau à l’horizontale, qui fonce droit vers la tête de la créature. Après le passage du liquide, ladite tête a disparu. Le corps décapité tombe en arrière et commence à se désagréger, comme c’est le cas pour toutes les ombres qui ont « perdu la vie ». Après des années à me battre dans cet autre monde, ces ombres qui viennent à peine d’apparaître ne sont vraiment plus une menace pour moi. Je mets fin à la vidéo prise par mon collier, puis je commence à réfléchir.

« Mes capacités physiques sont bien meilleures ici, je devrais peut-être faire le chemin dans la dimension miroir… »

En y réfléchissant un peu plus, ce n’est pas une bonne idée. Déjà parce que je risquerais de croiser d’autres ombres en chemin, mais surtout parce que mon GPS ne fonctionne pas ici. Je réapparais donc dans mon monde d’origine et continue mon chemin. Je commence à rapidement reconnaître où je suis, ce n’est pas très loin de l’endroit où travaille ma sœur. Ça m’était sorti de la tête, mais c’est vrai qu’elle m’avait demandé si je pouvais lui ramener un sandwich sur le chemin du retour … Heureusement que je me suis paumé, ou après être rentré j’aurais dû faire demi-tour pour lui amener !
Arrivé à l’endroit voulu, je pousse la porte d’entrée du bar pour constater qu’il n’est pas très fréquenté. Une femme aux longs cheveux noirs et aux yeux rouges se tient derrière le bar, assise sur un tabouret, la tête dans la main et ne cache pas son ennui malgré l’impact que cela pourrait avoir sur son travail. Il faut dire qu’avec le peu de clients, elle ne semble pas avoir beaucoup de choses à faire. Je m’avance pour m’asseoir face à elle et pose le sac plastique sur le bar.

La femme au Bar:

« Ah, Zack ! Alors, qu’est-ce que tu m’as ramené ?
- J’en ai acheté plusieurs, prends celui que tu veux. »

Cette femme est bien Alice, ma sœur. Les gens disent qu’on ne se ressemble pas tant que ça, mais avec la couleur de nos cheveux et de nos yeux, il est tout de même possible de faire le rapprochement.

« J’ai rien mangé de la journée et je n’ai presque pas eu de clients … Bon, je vais rapidement derrière, si un client veut commander appelle-moi !
- Hein ? Hey ! »

Alice attrape le sac et trottine vers sa salle de pause. Moi qui voulais vite rentrer, me voilà à devoir attendre qu’elle ait fini son sandwich …